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Elle demeure jusqu'à
la construction de la voie ferrée Morcenx-Tarbes, l'axe majeur des courants d'échange
basse vallée de l'Arros-Bigorre. Les chemins de grande communication et la voie ferrée
Tarbes-Morcenx mis en place entre 1837 et 1859, tout en renforçant l'axe pyrénéen,
élargissent les débouchés agricoles de la Rivière-Basse (Béarn-Landes) mais aussi les
zones d'approvisionnement de ses marchands.
La basse vallée
de l'Arros, dès lors aménagée et ouverte, connaît une mutation de son espace agricole.
Traditionnellement « terre à grains », elle devient « grenier et chai » des
départements limitrophes par la conquête de la vigne dès la fin du XVIIIe siècle
(127). Tournées surtout vers l'espace bigourdan, certaines communes de la vallée se
spécialisent même sous le Second Empire, du fait de la proximité des haras de Tarbes,
dans l'élevage du cheval. Verdoyantes, riches, ouvertes, émaillées de gros villages
bien bâtis, telles sont les campagnes du Moyen Adour, au temps de Napoléon III.
La
croissance agricole est à l'origine de l'expansion au XIXe siècle du bourg-marché
plaisantin, toujours à la recherche d'équipements commerciaux et dès lors profondément
aménagé. Mais, toutes deux ont fait éclore, surtout à partir du Second Empire, un
tissu industriel de petites entreprises, greffées sur la rivière et les canaux, qui a
contribué à la prospérité de Plaisance. Ses quatre minoteries, sa carderie-filature,
sa tannerie, ses scieries, ses hangars pour la batteuse, son foulon et son usine
électrique sont créés par les éléments les plus dynamiques de la bourgeoisie locale
qui ont su par leurs activités de transformation des produits du sol capter les fruits de
la croissance agricole. Ces petits « capitaines de l'industrie » locale, aux activités
multiples mais toutes enracinées dans l'activité agricole -donc plus « agro-industriels
» qu'industriels- ont doté néanmoins leur cité d'une armature de petites entreprises,
en exploitant parfois les nouvelles technologies du siècle, mais surtout le potentiel de
développement économique, offert par sa rivière et ses deux canaux de dérivation. Une
petite industrialisation sur l'eau (128) s'est bien développée à Plaisance dans la
seconde moitié du siècle.
L'expansion
urbaine est la manifestation la plus remarquable de la croissance de Plaisance au XIX,
siècle qui, pôle attractif de la vallée, double sa population entre 1790 et 1886. Cette
extension topographique est d'autant plus spectaculaire qu'elle a pour pivot un noyau
urbain étriqué du fait des aléas du passé médiéval de la ville. La vieille bastide
n'y a pas résisté. Sous l'effet de la croissance, elle est éventrée, remodelée,
amputée de ses équipements urbains anciens : portes , halle, églises, maisons à pans
de bois. En 1868, l'église Sainte Quitterie, dernier témoignage architectural du long
passé de la cité, disparaît sous les coups de pioche des démolisseurs. La ville perd
ainsi, peu à peu, ses lieux de mémoires. Résolument tournée vers l'avenir et fière de
sa réussite, Plaisance en oublie même ses antiques armoiries (129), témoins il est vrai
d'un passé marqué par bien de vicissitudes. Vers 1883, elle arbore fièrement un nouveau
blason « aux deux lions dressés et couronnés » (130), véritable logo du bourg-marché
conquérant du XIXe siècle.
A
la fin du Second Empire, véritable âge d'or de la cité -ce qui explique en grande
partie l'enracinement du bonapartisme à Plaisance et dans son canton (131), tout aussi
florissant- une nouvelle agglomération est née à la suite de plus d'un quart de siècle
de chantiers urbains. Modelée par les routes créées à la fin du XVIIIe siècle et sous
la Monarchie de Juillet, elle connaît alors deux grandes phases d'expansion
urbaine.
A la
première spontanée, qui s'est faite entre 1785 et 1837, le long de la grande route des
Pyrénées, donnant naissance à une agglomération très étirée du nord au sud, « la
bastide-route », a succédé à partir de 1840, une seconde phase de croissance
est-ouest, plus maîtrisée, à l'origine d'un nouveau quartier : le faubourg de la
grand-rue et de l'église. Edifié sur l'emplacement de la grande bastide abandonné
après les destructions de 1355 par le Prince Noir, le nouvel ensemble urbain est la
réplique du noyau ancien (plan géométrique, place à arcades) mais il est plus aéré,
plus spacieux, plus monumental. La construction de la vaste église néogothique de H.
Duran au sud de la nouvelle place à arcades parachève un urbanisme de caractère
néo-médiéval.
Les règles
directrices de l'urbanisme qui ont guidé et modelé la croissance (lignes droites,
circulation, aération) ont permis d'intégrer harmonieusement le nouveau quartier à la
vieille ville, d'effacer les traces topographiques de l'échec de la fondation de 1322 et
de donner à Plaisance, dès le Second Empire, le visage d'une petite ville. Avec la
construction du faubourg renaît en quelque sorte la grande bastide de l'abbé de la
Case-Dieu et du comte Jean le, d'Armagnac.
Plaisance,
ville aux deux bastides jointes et aux deux armoiries (132) nées à quatre siècles et demi d'intervalle,
de deux phases de croissance agricole des campagnes de Rivière-Basse (133) présente une
originalité urbanistique certaine. Tout autant que sa rétraction au XIV, siècle, sa
réurbanisation au XIX, siècle lui donne une place singulière dans l'histoire des
bastides, non seulement gersoises, mais peut être même du Sud-Ouest de la France.
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(127) Francis Brumont, Madiran et Saint Mont..., op. cit.,
consulter chapitres VI et VII
(128) Idem à Maubourguet
d'après Sylvain Dousseau et à Riscle. J-F Bourdeau cite pour cette dernière :
"plusieurs usines à farines, une tannerie, une teinturerie, une
carderie-fîlature". Les trois chefs-lieux de canton de la vallée placés à la fin
du XVIII* siècle sur la grande route de Pyrénées semblent eu avoir au XIX siècle le
même modèle de développement: croissance démographique comparable, place aux grains en
1836 à Maubourguet, petites industries sur l'eau dans les trois villes dans la seconde
moitié du XIX* siècle. Elles sont desservies toutes les trois par la voie ferrée
Morcenx-Tarbes.
(129) Alain Lagors, Les étapes de
l'évolution de Plaisance au Moyen Age.... art., cit : Armorial de France Etat des
armoiries des personnes et communautés y après dénombrées envoyées aux bureaux
établis r ' Adrien Vannier, chargé de l'exécution à l'édit du mois de novembre 16M...
la ille de Plaisance. de gueules deux agneaux paissant en chef et un dogue de même,
(130) Apparaît sur la planche
Chanche de 1883 et est sculpté à la Belle Époque sur les supports de pierre des statues
de la Vierge et de Jeanne d'Arc qui décorent le square de l'église
(131)Le« canton modèle» de
l'administration du Second Empire.
(132) Les lions ont mangé les
deux moutons et le dogue. L'expansion urbaine du XIX' siècle efface le semi-échec de la
fondation médiévale
(133) Le renouveau des
campagnes fin XIV, siècle, début XV' siècle est à l'origine de la renaissance de la
bastide de Plaisance qui avait été abandonnée
« pendant plus de 40 ans » après
le désastre de 1355. Mais elle renaît sous une forme rétractée, qui donne naissance au
noyau urbain ancien de la ville de Plaisance.
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