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5) - La construction de la nouvelle église
(1854-1868) (111)
C'est en
1837 que la municipalité abandonne le projet de l'agrandissement de l'église Sainte
Quitterie pour la construction d'une église nouvelle. Les raisons invoquées sont non
seulement la petitesse de la vieille église, incapable de contenir la foule de fidèles
de plus en plus nombreuse, du fait de la forte croissance de la population de Plaisance,
mais aussi son état de délabrement et sa modestie architecturale, indigne d'une bourgade
en plein essor qui prend chaque jour davantage le visage d'une petite ville. Mais ce
projet de construction d'une église nouvelle s'inscrit aussi dans le mouvement de
renouveau catholique qui atteint son apogée sous le Second Empire. A Plaisance, il s'est
manifesté par les cérémonies grandioses données en l'honneur de la translation des
reliques de Saint Clément en 1847 (112) et par la volonté bien affirmée des notables du
bourg de rétablir la religion. En 1837, les membres du conseil de fabrique pour justifier
la construction de la nouvelle église déclarent expressément : « une société ne
peut exister sans religion »
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Après dix-sept années de
tergiversations, liées non seulement au problème de financement de l'édifice mais aussi
au choix de son emplacement, la première pierre de la nouvelle église est posée en
1854. Comme sa soeur jumelle de Saint Clar, elle est l'oeuvre de l'architecte diocésain
Hyppolite Duran (112 bis) et de style néogothique. Construite au sud de la nouvelle
place, elle parfait l'ensemble monumental érigé quelques années plus tôt. Les
objectifs d'embellissement de la place l'ont emporté d'ailleurs sur les impératifs
liturgiques. Elle est orientée, en effet, vers le sud, son monumental clocher-porche
s'ouvrant au nord sur la place aux Grains. Consacrée en 1862 (113) et dédiée à
l'Immaculée Conception, elle n'est toutefois achevée qu'au tout début de la Ill,
République par la construction de la flèche dont les matériaux ont été retirés de la
démolition de Sainte-Quitterie en 1868 (114). De grands vitraux représentant les
litanies de la Vierge(115) décorent les hautes baies de la nef, tandis que les piliers,
épannelés jusqu'en 1890, recevront à cette date une décoration sculptée représentant
les notables du lieu de la Belle Epoque (116).
La place aux Grains et
l'église de l'Immaculée Conception forment un ensemble architectural qui témoigne non
seulement de la vitalité de Plaisance à la moitié du XIX, siècle mais aussi des
préoccupations économiques, religieuses et esthétiques de la bourgeoisie plaisantine de
la Monarchie de Juillet et du Second Empire.
6) - Les minoteries Cassagnac.
Le Grand et
le Petit moulin sont édifiés respectivement en 1863 et 1864 par Bernard-Adolphe Granier
de Cassagnac sur le canal d'irrigation dont la concession impériale est datée du 7
juillet 1856. L'inauguration du canal a lieu le « 11 mai 1861 en présence de M. le
vicomte de Gauville, préfet du Gers, et des populations empressées et reconnaissantes »
(117).
Les deux
minoteries plaisantines sont les deux seuls investissements industriels du Second
Empire de B-A de Cassagnac qui, de 1850 à 1870, constitue une immense propriété
foncière par des achats successifs de terres dans les trois cantons de Plaisance, Riscle,
et de Marciac (118). Belles constructions industrielles du Second Empire, elles sont
implantées sur un équipement agricole (le canal), dans un centre important du négoce
des céréales du Moyen Adour, dynamisé depuis 1859 par l'ouverture de la voie ferrée
Tarbes-Morcenx. Elles renforcent l'activité minotière de Plaisance à partir de 1865,
contribuant aussi à son expansion commerciale.
Leur création
s'accompagne de l'implantation politique de B-A de Cassagnac au chef-lieu de canton,
puisqu'en 1865, le député polémiste du Gers devient maire de Plaisance. La petite
capitale du bonapartisme gersois vient de naître.
7) - La population du faubourg
Le nouveau
quartier rassemble une forte proportion de la population immigrée à Plaisance sous le
Second Empire et au début de la III, République.
Sur les soixante
familles du faubourg répertoriées dans les matrices mobilières de 1882, 75% ont un
patronyme que l'on ne retrouve pas dans la liste des propriétaires de la commune de 1826.
Les vieilles familles plaisantines ne représentent que le quart de la population totale
des habitants du quartier. Mais ces dernières ont souvent construit dans le faubourg des
maisons de rapport -comme la veuve Ducuing née Saint-Pierre Lesperet- qu'elles ont
louées aux familles nouvellement implantées à Plaisance. Bien que disséminés dans
tout le tissu urbain de Plaisance au début de la III, République, les artisans sont ici,
en très forte proportion, constituant 68% des professions du faubourg recensées dans les
matrices de 1882. Les métiers du bâtiment (16 artisans) et des transports (cinq
charrons, un maréchal-ferrant, deux forgerons, deux selliers, trois rouliers) y sont
particulièrement nombreux. Ces derniers qui contribuent à la grande animation du
faubourg en constituent aussi la population la plus pittoresque. Un maréchal-ferrant et
un charron tiennent sur la place Nouvelle un cabaret, tandis que les rouliers aux
attelages de mules décorés de pompons rouges s'activent, avec ceux très nombreux du
quartier des Paouets, autour des minoteries et particulièrement les jours de grandes
foires.
Les
commerces encore peu nombreux dans la rue Adour côtoient de très nombreux ateliers.
C'est la vieille ville qui concentre encore la majorité des magasins et boutiques. Mais
très tôt, les aubergistes et cafetiers se sont implantés autour de la place Nouvelle,
coeur de l'activité marchande. Dès 1848, le charron Saint-Lannes a ouvert un estaminet.
Il est rejoint après 1865, une fois la construction de l'église achevée, par un
autre cabaretier, un limonadier et deux cafetiers. Alors que la vieille ville, lieu de
résidence des vieilles familles plaisantines, reste le quartier bourgeois, quelques
notables et fonctionnaires, nouvellement implantés, font construire sur la place mais
surtout le long de la rue de la Gare quelques belles maisons de maître et de petits
pavillons. Ils confrontent souvent un habitat populaire, de petites dimensions où
résident artisans et même journaliers.
L'enrichissement de
certains boutiquiers ou artisans du nouveau faubourg s'est accompagné, assez rapidement,
d'une amélioration et d'un agrandissement de leur habitation. Comparée à celle du noyau
urbain ancien, la maison type du faubourg est de plus grande dimension, quant à l'emprise
du sol. Un plus grand nombre d'ouvertures en façade, donnant sur des rues plus larges et
des jardins à l'arrière, favorisent un éclairage de meilleure qualité. Mais la brique
industrielle qui décore souvent les encadrements des portes et des fenêtres,
l'estampille fortement dans la seconde moitié du XIX, siècle.
L'habitat très hétérogène du faubourg reflète donc les forts contrastes sociaux de
Plaisance au XIX, siècle. La construction de la maison du médecin Labordère en 1887
(119), au nord de la place Nouvelle, tout en fermant cette dernière, conclut avec une
certaine magnificence la croissance urbaine du Plaisance des notables du XIX, siècle.
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Il - MAIS ON CONTINUE À
RÉAMÉNAGER LA VIEILLE VILLE
La construction du faubourg se double sous la Monarchie de Juillet et le Second Empire
d'une série d'aménagements dans la vieille ville. La croissance du bourg-marché à la
moitié du siècle amène la municipalité à transformer le coeur de la vieille ville,
qui constitue, par son tissu urbain étriqué et ses équipements d'un autre âge, un
goulot d'étranglement économique. Le maillon faible du système d'échanges, le pont de
bois, est remplacé définitivement en 1847 (120) par un robuste pont de pierre à trois
arches. On réaménage la place du Pont : on l'agrandit en rasant la petite halle au blé
de fortune (121) , aménagée sous le Premier Empire dans la vieille chapelle
Saint-Nicolas ; on empierre aussi l'abrupt de la place donnant sur la rivière. La place
du Pont devient la place Saint Marsault (122) où va se tenir pendant longtemps le marché
à la volaille. Au « bout du pont », le foirail créé en 1811, agrandi par trois fois,
est protégé des inondations par l'érection en 1831, le long de la rivière, d'une
terrasse(123). Arborée, aménagée, elle devient dès la Monarchie de Juillet la
promenade du tertre, très appréciée des Plaisantins. Le foirail agrandi accueille en
1862, les premières arènes de bois construites par les nombreux charpentiers de la
ville.
Les bords de rivière deviennent, par ces aménagements, l'espace loisir et détente des
Plaisantins qui s'adonnent aussi au plaisir de la pêche et du canotage. Le bourg vit en
symbiose avec l'Arros (124). Plaisance est bien une bastide de rivière.
Toujours à
la recherche d'espaces marchands pour ses foires et marchés en expansion, la
municipalité envisage en 1887 (125) de créer au coeur de la vieille ville une nouvelle
place ou place l'Esperet par la destruction de deux îlots de maisons et granges situés
au nord de la place de la mairie. Ce projet trop tardif qui allait s'accompagner d'une
destruction du parcellaire bâti de la bastide vieille ne voit pas le jour : la crise du
bourg s'amorçait.
Les pages qui précèdent , témoignent de l'affirmation au XIX, siècle de Plaisance
comme place centrale des pays du Moyen Adour. Le dynamisme et la croissance du
bourg-marché plaisantin s'enracinent dans la prospérité des campagnes de Rivière-Basse
de la fin du XVIIIe siècle au début de la Ill, République. Le schéma classique de
développement routes = débouchés = croissance correspond à celui de la basse vallée
de l'Arros. L'expansion agricole a pour origine la mise en place entre 1780 et 1860
d'importants équipements de transports : routes, ponts (126), voie ferrée.
Particulièrement denses dans la vallée, axe naturel de communications, ils sont à
l'origine du désenclavement des campagnes du Moyen Adour. C'est la grande route de
Bordeaux aux Pyrénées de la fin du XVIII, siècle qui est le levain de l'expansion
agricole de ces confins gersois, déjà bigourdans, fortifiant, en les accélérant, les
relations traditionnelles entre la Rivière-Basse et la montagne très peuplée .
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(111) Marcel Lavedan : « "Trente-deux
ans de batailles » dans Sud-Ouest, sept 98 (112) Registre du conseil de fabrique ... op. cit.,
compte-rendu du 25 Août 1847: « Une foule immense, composée de plusieurs milliers
d'âmes est partie sur deux lignes dirigés par trente prêtres ... Arrivés au bout de
l'allée où le Saint Corps avait été déposé au milieu d'un arc de triomphe sur un
superbe brancard... Ensuite, porté sur les épaules de six prêtres entourés de 24
enfants habillés de blanc et portant douze palmes de lauriers et douze oriflammes rouges,
St Clément a suivi la belle allée »
(112 bis) Hyppolite Duran fut
aussi architecte diocésain des Hautes-Pyrénées. Il est l'auteur de la basilique de
Lourdes. L'architecte Barré remplace très vite Duran sur le chantier Plaisantin.
(113) Registre du conseil de
fabrique... op. cit., séance du 5 mai 1862: « Monseigneur François Augustin Delamare,
archevêque d'Auch ( ... ) a fait sa première visite pastorale dans la ville de
Plaisance. Arrivée sur les cinq heures du soir, sa Grandeur est allée
processionnellement à l'église, au milieu d'une foule immense, musique en tête, au son
de toutes les cloches lancées à la volée pour sa bénédiction... ».
(114) Voir Registre des
Délibérations communales (1865-1894)..., op. cit, séance du 17-05-1868.
(115) Les vitraux de la nef sortent
des ateliers Gesta de Toulouse - cité dans les Notes de J.M. Cazauran, tome V, p. 317
(Plaisance-du-Gers, 15 octobre 1890)..
(116) Sculpteur M. Bau (tradition
orale).
(117) Plaque commémorant
l'inauguration du canal du Moulin de Cassagnac. Plaque de marbre placée au dessus de la
porte du Grand Moulin. « En exécution d'un décret de l'Empereur Napoléon III, donné
à Plombières le 7 juillet 1856, M. Adolphe Granier de Cassagnac, député de
l'arrondissement de Mirande au corps législatif a creusé le canal de Plaisance. Les eaux
de l'Adour sont arrivées, le 11 mai 1861, en présence de M. le vicomte de Gauville,
préfet du Gers, et des populations empressées et reconnaissantes ».
(118) Gilbert Sourbadère.
L'évolution de la fortune foncière de B-A Grenier de Cassagnac dans B.S.A.G., LXXVII, 2*
trimestre, p.224 à 234
(119) Aujourd'hui maison de
monsieur et madame Papillon. Présentée en 1984 par M. J.H Ducos, lors de la sortie des
V.M.F dans le canton de Plaisance.
(120) A.D. Gers .320..., op.
cit., lettre de l'abbé Palanque à M le Préfet du Gers de 1847: « le nom de Saint
Marsault déjà béni par toute la commune de Plaisance à cause du pont qui se construit
sur l'Arros acquérait un nouveau témoignage de reconnaissance de mes paroissiens et
surtout de la portion la plus religieuse pour votre concours actif à la reconstruction de
notre église... ».
(121) Ces aménagements de la
place du pont ou de la Roterie sont bien évoqués sur la gravure de la Guyenne
monumentale représentant Plaisance
(122) Ancien préfet du Gers dont la
bienveillance a permis à la commune de construire le pont de pierre à la fin de la
Monarchie de Juillet.
(123) Délibérations communales
(1838-1844)..., op, cit, séance du 13-11-1842. Bilan du mandat du maire de Lanafoërt
Joseph-Louis: «Nous lui devons les promenades sur les bords de la rivière ».
(124)
Voir les tableaux de J.B Duviau, peintre naïf de la bastide de Plaisance qui
représentent les bords de la rivière à la Belle Epoque (Salle du Conseil Municipal de
Plaisance).
(125) Délibérations communales
(1865-1894) ... op. cit, séance du 10-11-1887.
(126) Jusqu'à
la Monarchie de Juillet, les ponts sont le maillon faible du système d'échanges (pont de
bois sur l'Arros, passent à Préchac-sur-Adour jusqu'en 1836). AM Préchac,
délibérations communales (année 1836) : « Il n'existe sur cette rivière depuis
Maubourguet jusqu'à Riscle, dans une intervalle d'environ trois myriamètres aucun pont
sur lequel on puisse la traverser et l'inconstance ordinaire du cours de cette rivière
présente peu d'endroits propres à cet établissement. On n'en reconnaît pas d'aussi
commode que celui où se trouve le petit bateau pour le passage des gens à pied ou à
cheval, où l'Adour n'a pas changé de lit de connaissance d'homme. Qu'un pont en bois et
les culées en maçonnerie serait construit sur la rivière de l'Adour en la commune de
Préchac, sur le chemin cantonal de Plaisance à Viella au lieu où se trouve placé
aujourd'hui le petit bateau à monsieur St Lanne » |