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1)
- Une situation favorable dans une grande vallée quadrillée
de routes et desservie dès 1859 par la première voie ferrée
de la Gascogne (Morcenx- Tarbes).
Le désenclavement de la basse vallée
de l'Arros est le facteur fondamental de la prospérité de
Plaisance et de ses campagnes environnantes au cours du XIXe siècle.
L'ouverture des cantons du Moyen-Adour s est faite en trois étapes
:
- Dès la fin du XVIII'
siècle, la construction de la grande route de Bordeaux aux Pyrénées
(22) place Plaisance sur l'un des grands axes du piémont pyrénéen.
Venant d'Aire, elle file droit vers le sud, longeant les rives droites
de l'Adour et de l'Arros jusqu'à Lasserrade (23). Là, elle
se divise en deux branches, l'une piquant vers Marciac, l'autre bifurquant
vers l'ouest, traversant l'Arros puis la place de Plaisance pour ressortir
« darré »la bastide et prendre une direction Nord-Sud
via Ladevèze, Maubourguet et Tarbes. Construite entre 1777 et 1782
par le moyen de la corvée (24), la grande route des Pyrénées,
au tracé en baïonnette dans la commune de Plaisance, désenclave
dès la fin du XVIIIe siècle la Rivière-Basse et assure
la prospérité de ses bourgs et de ses campagnes, en activant
leurs relations avec la montagne toute proche. Cet axe routier, devenu
grande route royale d'Aire à Tarbes jusqu'en 1830 (25), puis routes
départementales n°3 et n'14 (26) concentre jusqu'en 1860 les
principaux flux de circulation basse vallée de l'Arros -Pyrénées.
Sous la Monarchie de Juillet, elle est parcourue par un « courrier
de dépêches publiques, une diligence -parfois des pyrénéistes
- (27) mais surtout par un roulage ordinaire très considérable...
» (28)
A la fin du XVIIIe
siècle, la route royale de Nogaro qui relie la basse vallée
de l'Arros au Bas-Armagnac s'embranche sur cet axe, au pied de la côte
de Termes.
La Monarchie
de Juillet, si pourvoyeuse de routes, fait de Plaisance l'un des carrefours
des pays du Moyen-Adour. La création de nouveaux axes de communication
est l'une des grandes préoccupations des édiles de Plaisance
à partir de 1830, qui désirent greffer sur la grande route
des Pyrénées une transversale Est-Ouest en direction de la
Ténarèze et du Béarn (29).
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En 1837, est ouverte à l'ouest de la bastide la route de Préchac
(30) tronçon du chemin de grande communication n°36 qui, par
Castelnau, Viella et Conchez, relie Plaisance au Béarn. Le tracé
très rectiligne de ce nouvel axe routier dans la commune de Plaisance
entaille un réseau de chemins vicinaux très dense, tortueux
et en mauvais état qui constitue, pendant tout le premier tiers
du XIXe siècle, un obstacle aux relations des villages riverains
de l'Adour avec leur chef-lieu de canton. La création en 1840 d'un
second chemin de grande communication (n°17) vers Vic-Fezensac,appelé
aussi chemin des Coustons, par Lasserrade, Mondébat, Lupiac et Belmont
lui ouvre le commerce de la Ténarèze (31).
Les relations de Plaisance avec les villages peuplés de la rive
droite de l'Adour sont activées à partir de 1852 par la création
d'un nouveau chemin de grande communication (n°73bis) (32) qui prend
naissance sur la route de Préchac, à l'ouest du faubourg
de l'église en construction, pour filer droit vers Belloc et rejoindre
ici le chemin de grande communication de Termes à Labatut (n°73).
L'ouverture en 1859 de la première voie ferrée de la Gascogne
Morcenx-Tarbes modifie le système d'échange de Plaisance
et de la basse vallée de l'Arros. La route de Castelnau -tronçon
du chemin de grande communication vers le Béarn-reliant la bastide
à la nouvelle gare du chef-lieu de canton haut pyrénéen
prend alors une importance considérable (33) . La gare, débouché
économique de Plaisance à partir de 1860, profite plus à
celle-ci qu'à Castelnau qui périclite dans la seconde moitié
du siècle. La route de Préchac devient la route des rouliers
de la bastide, transportant à la gare, toute proche et facile d'accès,
les cargaisons de farine et de tonneaux provenant des minoteries et des
caves de marchands de vins de Plaisance et de Préchac. De plus,
elle la rattache à la grande route impériale de Riscle à
Bagnères de Bigorre, ouverte sous le Second Empire, qui double sur
la rive gauche de l'Adour la voie ferrée entre Maubourguet et Riscle,
concurrençant alors, la vieille route de Bordeaux aux Pyrénées,
passant au coeur de Plaisance.
2) - Une
domination sur une bastide rivale (Beaumarchès) et sur les campagnes
de la basse vallée de l'Arros, assurée par ses nouvellesfonctions
de chef-lieu de canton
La réorganisation administrative de la France sous la Révolution
se traduit sur le plan local par une rivalité des deux bastides
limitrophes, Beaumarchès et
Plaisance,
pour le siège de chef-lieu de canton (34) .
Un premier découpage du 61 District en cantons attribue à
Plaisance le siège de chef-lieu de canton, au détriment de
Beaumarchès qui se voit dépendre administrativement de la
" ville des Pahlassôts " (35) La promotion administrative de Plaisance
est, non seulement due à sa situation favorable dés la fin
du XVIIIe siècle sur la grande route des Pyrénées,
mais certainement aussi, à la bienveillance de deux de ses enfants
-Jean Jacques de Latterade et Henri Saint-Pierre Lesperet (36), élus
de la Nation en 1789 et 1790- puisqu'elle ravit à Nogaro, siège
du 61 District, le tribunal.Au début de l'année 1790, Beaumarchès
réclame le siège du canton,invoquant non seulement son passé
prestigieux de bastide royale et la qualité de ses équipements
urbains, mais aussi la modestie de Plaisance: " elle venait de dépendre
d'une petite ville qui venait de naître et qui n'avait pas de justice
royale ". Ses revendications sont satisfaites, puisqu'un second découpage
d'août 1790, la hisse au rang de chef-lieu de canton, dominant un
ensemble de communes de coteaux situées entre Arros et Midour. Plaisance,
elle, est le centre d'un vaste canton de plaine s'étirant de Termes
d'Armagnac à Armentieux.
La création des arrondissements sous le Consulat s'accompagne d'une
réorganisation des cantons. Plaisance est fortifiée dans
ses fonctions administratives, tandis que Beaumarchès perd le siège
de canton pour dépendre définitivement de Plaisance. Le XIXe
siècle voit donc la revanche de la bastide des comtes d'Armagnac
sur celle d'Eustache de Beaumarchès, qui déchue de ses fonctions
de chef-lieu de canton et connaissant une dépopulation rapide, est
reléguée au rang de gros village.
Dominant administrativement une bastide qui a perdu son statut de place
centrale de l'ouest gersois et qui se trouvait à ses portes, Plaisance
peut dès lors renforcer son pouvoir de commandement sur la basse
vallée de l'Arros. Une délibération communale de 1839
(37) montre comment un bourg-marché au XIXe siècle fonctionne
comme un véritable " centre ", dominant les communes périphériques
du canton. Revendiquant le tracé du chemin de grande communication
de Plaisance à Vic-Fezensac par Couloumé-Mondébat,
Lupiac et Belmont, contesté par Beaumarchès, les édiles
plaisantins déclarent : " Ces communes n'ont ni ne peuvent avoir
avec Beaumarchès la moindre relation, il n'y a dans cette commune
ni établissements publics, ni établissements particuliers
qui puissent présenter le moindre intérêt. Tous leurs
rapports sont avec Plaisance. C'est là que se trouvent la justice
de paix, le contrôleur et le percepteur des contributions directes,
le receveur de l'enregistrement, les hommes d'affaires et de commerce et
les maisons d'éducation. C'est là qu'existent les marchés
et les foires pour lécoulement de leurs denrées. La commune
de Couloumé-Mondébat qui est la plus importante de ces communes
intermédiaires fournit à Plaisance la plus grande partie
de ses approvisionnements de bois de chauffage et de construction, des
foins qui lui sont nécessaires et la pierre de taille pour ses constructions.
L'exploitation seule des belles carrières de Mont mériterait
à elle seule l'établissement d'un chemin de grande communication...
".
C'est par la route que le bourg-marché assure sa domination sur
l'espace rural environnant. Elle lui permet, en effet, de tirer des campagnes
qu'elle traverse les produits bruts et la main-d'oeuvre nécessaire
à ses activités.
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(22) Portée sur la carte
de Cassini (fin XVIIIe siècle). Voir aussi plan de l'An XI.
(23) Ici, au lieu dit Bonnet se trouvait en l'An XI,
l'auberge du sieur Dupech qui s'appelait « au citoyen François,
bon pied, bon oeil ». A.N, F(31) 12, Plan de la commune de Plaisance....
op. cit.
(24) A.D. Gers, E supp 23925, séances du 2-02-1777,
du 20-05-1781...
(25) A.M Plaisance, Registre des délibérations
(1811 ... 1838)..., op. cit., séance du 12-06-1836.
(26) Plan Chanche..., op. cit.
(27) Vaysse de Villars, Itinéraire
descriptif de la France. Route de Paris aux deux Bagnères, Barèges
et autres eaux des Pyrénées (1° partie), 1830. «
Plaisance est une petite ville de moins de 1500 âmes. Elle a un bureau
de poste, une assez jolie petite place bordée d'arcades irrégulières
et des rues assez bien percées ou plutôt des ruelles dont
les principales aboutissent à cette place. La plaine où elle
est située est ni sans agrément ni sans fertilité;
mais ni la ville, ni sa situation ne sont assez jolies pour justifier le
gracieux nom de Plaisance qu'elle porte et que des voyageurs mauvais plaisans
pourraient prendre pour une mauvaise plaisanterie. Son commerce consiste
en grains, vins et eaux-de-vie. J'avais remarqué à Aire beaucoup
de belles maisons et quelques jolies femmes; à Plaisance au contraire
quelques jolies maisons et un grand nombre de jolies femmes ».
(28) A.M Plaisance, Registre des délibérations
communales (1838-1844) séance du 18-11-41.
(29) Henri Saint-Pierre Lesperet, ancien administrateur
du département du Gers sous la Révolution, vice-président
du Corps législatif en 1810 finit sous la Monarchie de Juillet sa
carrière politique comme conseiller municipal de Plaisance. Il fut
durant son mandat départemental le spécialiste des routes.
(30) Délibérations
communales
(1811-1838)
... op. cit, séance
du 28-05-1834
(Projet
d'ouverture).
Matrices
cadastrales
du plan de la
commune,
1837. Diminutions :
démolition
de la grange de
Barthélemy
Olléris pour le
percement
de la nouvelle route.
(31) Délibérations
communales
(1838-1844)
... op. cit séance
23-06-1839.
(32) Matrices
cadastrales ... op.cit, diminutions 1852: terrains affectés à
la voie publique
(33) A.M. Délibérations
communales (1865-1894), séance du 13-05-1866, projet d'une construction
en maçonnerie sur l'Adour : " cette demande ne saurait être
contestée moins encore repoussée, si l'on considère
surtout que la circulation sur cette route est continuellement journalière
depuis l'établissement de la gare de Castelnau-Rivière-Basse
et la création dans nos contrées de quatre minoteries dont
les produits se répandent dans tous les sens et dans un rayon qui
embrasse trois ou quatre départements circonvoisins ... ". La tradition
orale rapporte que les Plaisantins se sont opposés en 1859 au passage
de la voie ferrée dans leur commune: la locomotive pouvant incendier
les récoltes de céréales, le nouveau moyen de transport
étant jugé aussi contraire au bonnes moeurs. La disparition
des Délibérations communales de la période 1844 -
1865 ne nous permet pas de vérifier cette tradition orale encore
très vivace en cette fin du XX* siècle.
(34) Au coeur de la Gascogne.Beaumarchès;op.cit
(35) Sobriquet des habitants de Plaisance
évoquant peut-être, le passé sombre de la bastide au
XIV' siècle.
(36) Pour J.J. de Latterade, Histoire
de Lectoure, Imprimerie Bouquet, 1972, pages 281-282 M-P.Jeannin-Naltet.
Le premier général lectourois de la Révolution, Jean
Jacques de Latterade dans B.S.A.G, 1967. Sur Henri Saint Pierre Lesperet
B.S.A.G. XXVI, 207; XXX 364. Notre Maréchal Foch par l'abbé
Marsan, Tarbes 1919. Pierre Bertiaux, Le chevalier Saint Pierre Lesperet
1761-1847, un homme, une vie, une famille (manuscrit dactylographié).
(37) Délibérations communales
op. cit. séance du 23-06-39.
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