La bastide de Plaisance-du-Gers au
XIXe siècle : croissance et apogée du bourg-marché (vers 1780-1880) par ALAIN LAGORS professeur d'histoire,membre de la Société
Archéologique et historique du Gers et Plaisantin. |
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invoquant non seulement son
passé prestigieux de bastide royale et la qualité de ses équipements urbains, mais
aussi la modestie de Plaisance: " elle venait de dépendre d'une petite ville qui
venait de naître et qui n'avait pas de justice royale ". Ses revendications sont
satisfaites, puisqu'un second découpage d'août 1790, la hisse au rang de chef-lieu de
canton, dominant un ensemble de communes de coteaux situées entre Arros et Midour.
Plaisance, elle, est le centre d'un vaste canton de plaine s'étirant de Termes d'Armagnac
à Armentieux. La création des arrondissements sous le Consulat s'accompagne d'une réorganisation des cantons. Plaisance est fortifiée dans ses fonctions administratives, tandis que Beaumarchès perd le siège de canton pour dépendre définitivement de Plaisance. Le XIX, siècle voit donc la revanche de la bastide des comtes d'Armagnac sur celle d'Eustache de Beaumarchès, qui déchue de ses fonctions de chef-lieu de canton et connaissant une dépopulation rapide, est reléguée au rang de gros village. Dominant administrativement une bastide qui a perdu son statut de place centrale de l'ouest gersois et qui se trouvait à ses portes, Plaisance peut dès lors renforcer son pouvoir de commandement sur la basse vallée de l'Arros. Une délibération communale de 1839 (37) montre comment un bourg-marché au XIX, siècle fonctionne comme un véritable " centre ", dominant les communes périphériques du canton. Revendiquant le tracé du chemin de grande communication de Plaisance à Vic-Fezensac par Couloumé-Mondébat, Lupiac et Belmont, contesté par Beaumarchès, les édiles plaisantins déclarent : " Ces communes n'ont ni ne peuvent avoir avec Beaumarchès la moindre relation, il n'y a dans cette commune ni établissements publics, ni établissements particuliers qui puissent présenter le moindre intérêt. Tous leurs rapports sont avec Plaisance. C'est là que se trouvent la justice de paix, le contrôleur et le percepteur des contributions directes, le receveur de l'enregistrement, les hommes d'affaires et de commerce et les maisons d'éducation. C'est là qu'existent les marchés et lesfoires pour l'écoulement de leurs denrées. La commune de Couloumé-Mondébat qui est la plus importante de ces communes intermédiaires fournit à Plaisance la plus grande partie de ses approvisionnements de bois de chauffage et de construction, des foins qui lui sont nécessaires et la pierre de taille pour ses constructions. L'exploitation seule des belles carrières de Mont mériterait à elle seule l'établissement d'un chemin de grande communication... ". C'est par la route que le bourg-marché assure sa domination sur l'espace rural environnant. Elle lui permet, en effet, de tirer des campagnes qu'elle traverse les produits bruts et la main-d'oeuvre nécessaire à ses activités Le
tribunal du 6e district (38), installé en 1790 dans l'ancien hôpital de la ville,
fortifie, à la fin du XVIII, siècle les fonctions de Plaisance. Il disparaît en l'An
VII, mais laisse dans la petite ville qui se déclarait " si fertile en hommes de loi
" sa marque dans l'urbanisme : une quinzaine d'élégantes maisons de maîtres de
l'extrême fin du XVIII, siècle. 3) - Une bourgeoisie dynamique, soucieuse du développement commercial du bourg Les municipalités de Plaisance ont su tout au long du XIX, siècle soutenir et stimuler la croissance du bourg-marché, réclamant avec insistance l'ouverture de nouvelles routes, la création d'un marché hebdomadaire et de foires nouvelles, construisant aussi les équipements nécessaires au développement commercial de la cité : foirail, places et pont de pierre. Mais ce sont les édiles de la première moitié du XIX, siècle et notamment ceux de la Monarchie de Juillet, qui mettent en place les grands aménagements urbains dans lesquels s'épanouira le bourg-marché du Second Empire et du début de la 3e République. Ce sont souvent les descendants des vieilles familles plaisantines qui ont occupé sous l'Ancien Régime les charges de consuls de la bastide. Certains même, comme H. Saint-Pierre Lesperet, A. Magenc ont appartenu aux élites gersoises de la Révolution et de l'Empire (42), d'autres comme les Lanafoërt en sont les héritiers. Les frères Lanafoërt, Louis (43) et Joseph Louis (44) ont été les maires bâtisseurs du Plaisance du XIX, siècle. On doit surtout au second, premier magistrat de la cité de 1821 à 1842, les équipements suivants : " la route départementale de Plaisance à Maubourguet, le champ defoire, les promenades sur le bord de la rivière, le pont sur l'Arros, la place Nouvelle, les grands chemins de grande communication de Plaisance à Viella et de Vic Fezensac à Plaisance, la fontaine publique, les approvisionnements en matériaux et les fonds déposés à la caisse communale pour la reconstruction de l'église " (45). C'est toujours sous son mandat de maire, que le conseil municipal applaudit au projet du canal Galabert (46) qui doit faire de leur cité un important port fluvial sur le complexe Adour-Arros canalisé. Les quelques lignes (47 ) qu'il écrit à son sujet en 1841, à l'aube de la Révolution Industrielle, témoignent non seulement de son dynamisme mais aussi de sa clairvoyance économique : " considérant que le pays que traversera ce canal languit misérablement, tandis que les autres parties de la France jouissent de la plus grande prospérité par les chemins de fer et les canaux nombreux dont le gouvernement les a dotées, que cependant ce pays malheureux avait un besoin plus urgent de voies rapides de grandes communications à raison de son éloignement des cités populeuses et de grandes cités de commerce... " . En 1843, Dominique Vincent souligne en ces termes le dynamisme des édiles locaux, toujours à la recherche d'équipements de transports: " Plaisance attend avec impatience la réalisation de plusieurs projets qui ne s'accompliront peut être jamais, la canalisation de l'Arros, dont une fois de plus il a été question, ou le canal des Pyrénées qui, faisant d'elle un espèce d'entrepôt assurerait à sa prospérité un avenir brillant; enfin une route royale et un pont de pierre sur l' Arros qui activerait la circulation en la rendant plus facile. Placée au centre de plusieurs villes, elle communique avec elles par des routes nombreuses et régulières: il vient encore de s'ouvrir une nouvelle voie de communication que nous devons en partie au zèle et au persévérans efforts d'un magistrat éclairé, M. Lanafoërt... " 4) - Des campagnes prospères. Le désenclavement de la région, évoqué précédemment, est à l'origine de la prospérité des campagnes de la basse vallée de l'Arros de la fin du XVIII, au début de la III* République. Dès la fin du XVIII, siècle, la
grande route des Pyrénées transforme la Rivière-Basse en grenier et chai de la montagne
toute proche. Les flux commerciaux entre les pays de la basse vallée de l'Arros et la
Bigorre sont évoqués dans une pétition des habitants de Ladevèze-Rivière au préfet
de Bigorre, réclamant en 1811 leur rattachement aux HautesPyrénées (48) A la fin de l'Ancien Régime, la grande route des Pyrénées est à l'origine d'une mutation de l'espace agricole des plaines de Rivière-Basse. Traditionnellement orientées vers la production des grains, elles se diversifient par une poussée de la vigne -devenue avec la route, culture commerciale- au détriment des prairies (49). L'annuaire départemental de l'An XI, la monographie de Plaisance (1840) de Dominique Vincent (50) et les pages de J-F Bourdeau concernant les communes du canton de Plaisance (1861) évoquent abondamment la richesse agricole de cette vaste plaine fertile, drainée par de nombreux cours d'eau et canaux dont le réseau est densifié encore par le creusement sous le Second Empire du canal d'irrigation de Cassagnac : L'annuaire de l'An XI situe Plaisance dans " un pays riche et agréable que l'Arros et le voisinage de lAdour rendent fertile ". Dominique Vincent insiste aussi sur la fertilité naturelle de la vallée : " Plaisance est située dans une jolie plaine, mais large seulement d'un myriamètre qu'arrosent les eaux de l'Arros, de lAdour et de quelques ruisseaux et dont la fertilité est étonnante ". |
(37) Délibérations communales (1838-1844).... op. cit.
séance du 23-06-39.
(38) A.M. Plaisance, Délibération communales (1790-1792), séance du 23-12-1790. (39) En 1790, en 1811, en 1827. Avant la révolution, Plaisance et les paroisses de Rivière-Basse dépendaient du diocèse de Tarbes. (40) J-M Cazauran, Histoire de Mirande, 2 volumes, 1907. (41) Gilbert Sourbadère, Un polémiste du XIX' siècle,
Bernard Adolphe de Cassagnac. Mémoires de maîtrise. Université de Toulouse le Mirail.
1973. Bernard Adolphe Granier de Cassagnac fut maire de Plaisance de 1865 à 1874. 42) Sylvie Moniotte, Les administrateurs, l'administration
centrale du département du Gers (1790-1795), Mémoire de Maîtrise 1988. (45) Délibérations communales (1838-1844)... op. cit, séance du 03-11-1842. (46) Louis Galabert, Canal des Pyrénéesjoignant l'océan à la Méditerranée ou continuation du Canal du Midi, depuis Toulouse jusqu'à Bayonne, Imprimerie de Félix Locquin, Paris, 1830. (47) Délibérations communales (1838-1844) ... op. cit.,
séance du 14-11-1841. La lithographie de la Guyenne monumentale (1840) de Faucher,
représentant Plaisance, évoque peut être le projet du canal Galabert, puisqu'une galupe
est représentée sur l'Arros.
(49) Francis Brumont, Madiran et Saint-Mont. Histoire et devenir des vignobles, Atlantica, 1999, P. 199. (50) Dominique Vincent fut journaliste à I'Echo de la Mayenne et à l'Opinion et auteur de nombreuses nouvelles. On lui doit la première monographie de Plaisance parue dans l'opinion, journal du Gers 8 et 11 Avril 1843. |